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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/45

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D’UNE FEMME DU MONDE.

peu à peu, nous enveloppent. Il faut partir. Nous remontons à cheval. À travers la feuillée épaisse des gros chênes filtrent les rais empourprés du soleil couchant. Un souffle passe qui fait bruir les feuilles. La nuit tombe rapidement. De temps à autre, zigzaguent des vols silencieux et troublants d’oiseaux fugitifs auxquels la presque obscurité prête des envergures immenses et des formes fantastiques : des lapins effarouchés, surpris dans leur festin du soir, s’enfuient devant les chevaux, et le parfum qu’exhalent, en s’endormant, l’aubépine et la verveine, lasses de la chaleur accablante du jour, monte, délicat et subtil, emplit l’espace et vous grise.

Tout serait pour le mieux si M. Grandidier n’avait eu vent de ces promenades à cheval. Immédiatement, avec son sans-gêne habituel, il s’est proposé, j’allais dire imposé. Les de Rieux étaient exaspérés ; M. de Clarance affirmait tout haut son intention de remettre à sa place cet effronté personnage.

Je riais en moi-même de l’accueil qu’on semblait lui ménager. Je ne pouvais m’empêcher d’éprouver comme une joie sourde, comme un plaisir raffiné de vengeance secrète.

Hier, il est arrivé au rendez-vous, au car-