Aller au contenu

Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
D’UNE FEMME DU MONDE.

thie et qu’il s’était montré très réservé, assez froid même, avec M. Grandidier.

Cette attitude fait son éloge.

Pour la première fois, la promenade m’a paru ce jour-là interminable.

M. Grandidier, qui est un cavalier médiocre, n’a cessé de parler de ses chevaux. Durant une heure, il nous a entretenus des qualités incomparables de celui qu’il montait. C’était, disait-il, une bête parfaite que son marchand de chevaux, qui le savait grand amateur, lui avait spécialement réservée. Et puis tout à coup, se contredisant soi-même, il ajouta :

— Mais celui-ci n’est rien : je crois l’avoir payé cent cinquante ou deux cents louis. — Il ne parle jamais d’un objet sans préalablement l’estimer ou dire ce qu’il coûte. — Je viens d’en acheter un autre à la vente du duc de Choisy. Il m’a coûté huit mille francs.

Et comme on observait que c’était un beau prix pour un cheval de chasse, il a répondu :

— Oh ! le fils de mon père peut s’offrir cela !

Il a ri au milieu d’un silence glacial. Pour ma part, j’étais très gênée. Ce monsieur est décidement grotesque, mais il a vingt millions, c’est une excuse et un argument.