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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/48

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LE JOURNAL

Ce qui n’empêche pas que si j’étais à la place de papa et de maman, je ne le recevrais pas chez moi.

Clovers, 1er septembre.

Ce soir, comme je montais me coucher, j’ai aperçu en traversant la bibliothèque un livre ouvert sur une table. Je fus tentée de voir ce qu’il disait, curiosité bien innocente.

C’était un recueil de pensées.

Et j’ai lu :

« Le monde tourne tout autour d’un pivot qui est l’intérêt de chacun, l’égoïsme. Toutes les actions des hommes se rattachent à lui de même que tous les rayons d’une roue convergent sur le moyeu. Mais comme ce mobile, l’intérêt, est inavouable, chacun n’a rien plus à cœur que de le cacher à son voisin, et le plus vertueux, le plus loué, est celui qui le cache le mieux. En sorte que l’individu qui passe aux yeux de tous pour le plus honnête homme, n’est en général que le fourbe le plus habile, le plus fin dissimulateur, le plus grand menteur. Et le langage qui ne devrait servir qu’à exprimer la pensée n’est qu’un moyen de la dissimuler.