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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/63

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Hier soir, M. Grandidier donnait, pour remercier ses électeurs, une grande fête au château qu’il vient d’acheter.

Après le dîner, très long et très copieux, quasi-officiel, puisque le préfet y assistait, et qui fut servi dans une vaste galerie, ancienne salle des gardes, nous sortîmes sur la terrasse pour assister au feu d’artifice qu’on allait tirer. La pièce principale devait, chuchotait-on, montrer aux yeux éblouis des spectateurs, un ange de la liberté, les ailes ouvertes, terrassant les préjugés : du moins telle est l’interprétation qui fut servie à la foule des électeurs. Pour le parti réactionnaire, l’ange de la liberté ne fut autre qu’un saint Michel et les préjugés le démon infernal.

Nous étions donc tous groupés sur la terrasse ; les conversations, toujours plus vives après le repas, allaient leur train, quand tout à coup, éclatèrent presque simultanément deux ou trois détonations. Alors, à tous les coins du parc, jaillirent de véritables fontaines de feu : elles s’élevèrent en bouillonnant et se mirent à verser majestueusement, régulièrement, tout un flot d’or, d’argent et de pourpre. L’effet était merveilleux : des bravos éclatèrent de toutes parts, révélant dans l’ombre une grande