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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/73

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Je descendis l’escalier, lentement, pour me mieux donner le temps de réflécliir. Mon père demandait à me voir ?… Pourquoi ce cérémonial inusité ? Ne venait-il pas lui-même me trouver dans ma chambre, sans façon, quand il avait quelque chose à me dire ?

Il me semblait de toute évidence qu’un événement grave était arrivé et tout à coup, dans mon esprit, s’établit un rapport entre ce qui allait se passer et mon aventure de l’avant-veille.

Mon cœur battait si fort que je dus par deux fois lever la main pour frapper à la porte du cabinet.

J’ouvris.

Mon père était assis devant son bureau : il tenait à la main un coupe-papier d’ivoire dont il frappait le rebord de la table. Je l’observai quelques secondes : de petits tressaillements nerveux sur son visage révélaient comme une lutte intérieure.

Ma mère aussi était là. Sa présence m’inquiéta plus encore que la physionomie tourmentée de mon père, car elle ne quitte jamais sa chambre avant l’heure du déjeuner. Elle était dans un fauteuil, vètue d’un saut de lit de Valenciennes, l’air triste, mais calme.