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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/75

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Mon père réfléchit un instant. Son embarras était visible. Il reprit le coupe-papier qu’il avait abandonné, en donna quelques petits coups secs sur le bureau et commença :

— Ma chère Raymonde, tu n’es plus une petite fille. Tu n’as guère vécu, jusqu’ici, que dans l’enceinte du couvent, loin d’un monde qui est le tien et qui te réclame. Le moment est venu d’y entrer et d’y faire bonne figure. Au seuil de cette nouvelle vie, il est de notre devoir de te révéler certains détails domestiques que nous t’avions jusqu’à cette heure, toujours et soigneusement cachés, ta mère et moi, parce qu’il ne convenait pas que tu les connusses et qu’ils n’auraient pu d’ailleurs que troubler la sérénité de tes jeunes années. Nous aurions voulu te les taire toujours, puisqu’ils sont pénibles : le jour est arrivé cependant où tu ne peux plus les ignorer.

Il s’arrêta un instant, poussa un soupir et reprit :

— C’est de notre situation de fortune que je veux te parler.

Enfin ! J’allais donc avoir la clef de l’énigme qui m’avait tant torturée. Une angoisse m’étreignait le cœur, faite de crainte et de curiosité.