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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/77

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D’UNE FEMME DU MONDE.

cer, la vie en province sans doute, et puis un jour, avec les enfants, la gêne, la misère peut-être.

Je m’étais contenue de toutes mes forces, mais il me fut impossible de me taire plus longtemps. Les paroles de l’étranger, du petit homme à redingote rencontré dans le parc, me revinrent à la mémoire et, pour la première fois, un vent de révolte passa dans mon esprit.

— Alors, mon père, interrompis-je froidement, vous avez cherché ailleurs. Vous avez justement pensé que le nom de Clovers, comme toute belle chose, est susceptible de se vendre, de se vendre très cher, qu’il ne manquerait pas pour l’acheter de bourgeois millionnaires, ridicules et fats, trop heureux d’avoir pour bru la fille du marquis de Clovers, le descendant des Croisés !… Puis-je savoir à qui vous l’avez vendu ?

— Malheureuse ! s’écria mon père en se levant d’un bond.

Ma mère aussi, pâle, s’était levée.

— Tu n’y songes pas, ma fille !… Parler ainsi à ton père

Devant cette explosion de colère, je compris ce que mon langage avait de cruel et j’en eus