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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/93

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Ainsi donc nous étions ruinés, le déshonneur nous guettait, et moi seule pouvais tout sauver : un mot, un seul mot suffisait pour cela. Je devais être la rançon de l’honneur familial.

Je ne pus réfléchir davantage : mes idées se heurtaient avec fracas dans ma pauvre tête endolorie. Je perdis connaissance.

Quand je revins à moi et que je me trouvai étendue sur mon lit, tout habillée, je demeurai quelque temps sans me rappeler ce qui s’était passé. Puis, peu à peu, la mémoire me revint. Mais n’était-ce pas le souvenir d’un rêve, d’un affreux cauchemar ? Était-il vraisemblable que j’eusse été, la nuit, écouter une conversation à la porte d’une chambre ? N’avais-je pas été, une fois de plus, la dupe de ma folle imagination ? Je dus, pour me convaincre, reprendre ma soirée de la veille, heure par heure, minute par minute. Alors seulement, il ne me fut plus permis de douter de la triste réalité. La situation m’apparut nette, horrible : on voulait me marier et l’homme à qui l’on me réservait, se trouvait être, par la plus cruelle fatalité, le seul au monde que je détestasse. En cette heure d’angoisse, comme dans tous les moments pénibles de ma vie, c’est au ciel que je