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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/95

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Et pourquoi lui appartenir, à cet homme ? Oui, pourquoi ?… Pour éviter un désastre d’argent ?… L’argent !… Toujours ce mot, toujours cette éternelle question !… L’argent, l’unique préoccupation d’un monde frivole qui ne vit que par lui et pour lui. Mais qu’était, en fin de compte, une ruine, si complète fût-elle, auprès du sacrifice de toute une vie ? N’avais-je pas droit au bonheur, comme les autres ! N’étais-je pas jeune, jolie, aimable !… N’avais-je pas besoin, comme les autres, plus que les autres, d’affection, d’amour !… Et tous les rêves d’or que l’on fait, enfant, jeune fille, le soir, sur l’oreiller blanc, avant de s’endormir, repassèrent devant mon esprit : on imagine que l’on repose près d’un être aimé et qui vous aime, qui veille sur vous et vous protège, d’un être vague et mystérieux qu’on voit, mais qu’on ne saurait dépeindre, d’un être dont le regard est tendre et fier, dont la parole est douce et ferme, dont le cœur est fait de courage et d’amour, d’un être qui tient du prince charmant et de l’ange gardien. Et tous ces rêves, à mesure qu’ils repassaient, se brisaient tous ! Et de leurs éclats surgissait affreux, odieux, le visage de l’autre.

Non, je ne serais jamais sa femme. Était-