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une descente au monde sous-terrien

Mais une chose était bien certaine et indiscutable : quelque chose se consumait, et ce quelque chose ne pouvait être que du pétrole, dont nous reconnaissions parfaitement l’odeur.

« Affolés, nous cherchâmes à noyer les cales, au risque de sombrer. Le danger de la mer disparaissait pour nous devant la perspective d’être brûlés vifs. Mais nous étions mal outillés ; l’Océan nous avait presque tout enlevé ; l’eau que nous pûmes envoyer en trop petite quantité excita l’incendie au lieu de l’apaiser. Vers trois heures, le pont d’avant éclata sous une explosion formidable, qui tua deux hommes encore.

« Les autres se réfugièrent à l’arrière, et se mirent à contempler, hébétés, la haute colonne de flammes qui jaillissait des cales. Cette fois, nous étions bien définitivement perdus. Le navire, entièrement en bois, allait être mangé par l’incendie en quelques minutes, et quand le feu nous atteindrait nous n’aurions qu’une ressource : nous jeter à la mer furieuse qui, elle aussi, aurait bientôt fait de nous dévorer.

« Deux matelots, excédés de désespoir, devinrent subitement fous et se jetèrent dans les flots. Ils furent instantanément engloutis ; nous ne les vîmes même pas reparaître.

« Et je restai seul, sur le couronnement d’arrière, avec le cuisinier du Canadien et un mousse, un pauvre gamin de quinze ans qui pleurait d’épouvante.

« Quelques minutes passèrent ; une lame traîtresse le cueillit à mes côtés sans qu’il m’eût été possible de le retenir. La flamme gagnait, cependant, vers l’arrière, avec une grande rapidité ; nous en sentions la chaleur, qui deviendrait bientôt intolérable. Devant nous, c’était comme un immense