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une descente au monde sous-terrien

Le Kra-la leva la tête.

Alors le zoologue, qui n’avait cependant jamais joué la pantomime de sa vie, se mit à en exécuter une des plus expressives, agitant les mâchoires, faisant le geste d’enfoncer quelque chose dans sa bouche du bout de ses doigts joints, et désignant de l’autre main les flacons restés dans les rochers.

Le monstre parut faire des efforts pour comprendre. Mais il ne comprenait pas ; puisqu’il ne mangeait pas de chair, il ne lui venait pas à l’esprit que d’autres en pussent manger.

Et l’Anglaise continuait à gesticuler. Elle gesticulait même si près du visage de Van de Boot qu’il en sentait le vent et avait des reculs involontaires.

Le malheureux homme voulut changer d’alphabet télégraphique ; il lança un caillou dans la direction des bocaux. Les singes commencèrent à le regarder de travers. Il voulut descendre de son roc et se diriger, en sautant d’une pierre à l’autre, jusqu’à l’objet de ses convoitises. Ses geôliers lui sautèrent dessus tous ensemble, et le ramenèrent rudement à sa place.

— Vous voyez bien, dit-il à l’Anglaise, qu’il n’y a rien à faire.

Cependant, l’un des monstres avait fini par comprendre. Il s’en fut chercher un bocal et l’apporta. La vieille fille d’Albion s’en empara d’autorité, et l’aurait certainement vidé à elle seule, si Cornélius Van de Boot, indigné et songeant à sa jeune compagne qui souffrait en silence, ne se fût interposé. Il arracha le flacon des mains osseuses, mais reçut des calottes. Il partagea cependant le repas en trois, et fut payé de ses peines par un sourire touchant, venu des lèvres de sa seconde co-naufragée.