Page:Pierre Luguet Une descente au monde sous-terrien 1909.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

148
une descente au monde sous-terrien

menté ; on y voyait presque aussi bien qu’avec notre jour solaire. La chaleur, une chaleur douce et agréable, avait remplacé la fraîcheur désagréable du tunnel, et les deux fugitifs percevaient indistinctement un bruit qui leur rappelait celui des lames déferlées.

Cornélius Van de Boot réfléchissait curieusement ; il en oubliait le péril où il se trouvait d’un faux mouvement de son porteur le précipitant en arrière et le massacrant contre les roches. Ce bruit, cette chaleur, cette lumière, c’était sa théorie qui se vérifiait ; c’était la face interne de la terre habitable et habitée ; c’était la disparition du feu central dont il avait soupçonné déjà la non existence ; c’était le triomphe d’une conception qu’il avait établie presque sans bases, avec une hardiesse d’esprit vraiment admirable, et qui se réalisait de point en point.

— Ah ! quel livre je vais écrire ! songeait-il, sans réfléchir un seul instant, le pauvre homme, que personne ne le lirait probablement jamais, son livre, à part la jeune Margaret, et que ce serait de la lumière perdue pour les hommes.

Le Kra-la qui le portait prit pied à son tour ; puis ce fut celui qui portait la jeune fille, et tous deux furent doucement déposés sur le sol. Les singes sous-terriens s’étaient dispersés autour d’eux, et broutaient. Ils arrachaient de terre des plantes d’une apparence voisine de celle de nos fougères, et en dévoraient les feuilles. Ils le faisaient avec un tel plaisir qu’on en aurait conclu avec sûreté à la rencontre de leur nourriture habituelle, retrouvée après une longue privation. Puis quelques-uns, dès qu’ils furent repus, dégringolèrent avec rapidité la pente qui conduisait à une plage, et se jetèrent à l’eau