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une descente au monde sous-terrien

Alors, Margaret ferma lentement les yeux, et malgré la peur, malgré la douleur, malgré l’angoisse de l’avenir, la fatigue était en elle si impérieuse qu’elle s’endormit profondément.

Pour le zoologue, il s’assit à l’entrée de la grotte, et songea :

— Pourquoi les quadrumanes sous-terriens étaient-ils montés à la surface supérieure ? Pourquoi s’étaient-ils emparés d’êtres humains ? Que prétendaient-ils en faire ? Pourquoi ne les maltraitaient-ils pas ? Pourquoi cherchaient-ils, au contraire, dans la mesure que permettait leur intelligence, à les aider et à leur rendre service ?

Autant de questions auxquelles il était pour le moment impossible de répondre.

Van de Boot vit pendant quelque temps les Kra-las s’agiter sur la grève. Puis la lassitude l’accabla à son tour, et ses paupières s’abaissèrent insensiblement. Il distingua encore, comme dans un brouillard, les étranges habitants de l’île s’éloignant et se dispersant, tandis que cinq ou six d’entre eux s’installaient dans les roches, comme pour une garde. Il ouvrit péniblement les yeux, deux ou trois fois encore, dans une sorte de scrupule à s’endormir au milieu de tout cet inconnu, et en laissant sa compagne, peut-être, exposée à un danger quelconque. Mais la fatigue fut la plus forte ; elle l’abattit. Quelques instants après, il avait oublié qu’il vivait sous terre au lieu de vivre dessus, qu’il était entouré de monstres au lieu d’être entouré d’hommes, et que toute l’épaisseur de la croûte terrestre le séparait de ce qu’il avait aimé pendant la première partie de son existence.

Quand il s’éveilla, longtemps après, rien n’avait changé