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une descente au monde sous-terrien

dans l’étrange décor où il s’était endormi. Le soleil central luisait avec la même immobilité ; la mer étendait sa surface à peine agitée d’une houle à perte de vue, montant vers le ciel, et des Kra-las, nonchalamment, s’ébattaient dans l’eau.

Près de lui, Margaret assise sur le sol, surveillait les derniers instants de son sommeil. Ils se regardèrent tristement puis jetèrent les yeux sur le paysage silencieux, et des larmes montèrent à leurs paupières. Enfin, la jeune fille éclata en sanglots, et se jeta dans les bras du vieillard qui se sentait bien près de faire comme elle. Il la reçut avec tendresse, comme si elle eût été sa fille, appuya la jolie tête blonde sur son épaule, caressa doucement les cheveux soyeux en bégayant :

— Mon enfant… ma chère enfant… calme-toi… ne pleure pas… Ces gens ne vous veulent aucun mal… Nous pourrions être beaucoup plus malheureux… Si tu étais seule, ici, ou si j’y étais seul… Quel malheur ! si l’un de nous était seul ici… Mais je t’ai, moi, et mon affection ne te manquera jamais. Allons, calme-toi. Sans doute, ce qui nous arrive est affreux, et je ne te demande pas de t’en consoler. Je ne m’en consolerai probablement jamais moi-même. Mais il faut nous dire une chose, qui nous aidera à la résignation, peut-être : Moi, qui avais toujours vécu seul, j’ai une fille ; et toi, tu retrouveras en moi une partie de la tendresse…

— Hélas ! j’étais seule aussi ! s’écria Margaret dont les sanglots redoublèrent.

— Tu vois bien… tu vois bien… ne pleure donc plus… tu as un père, maintenant, un père qui t’aimera bien, je te le promets…