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une descente au monde sous-terrien

Une lampée d’eau amère lui rentra dans la gorge et lui coupa la respiration. Il rajusta en hâte son masque et toussa cependant trois minutes. Puis le spectacle l’immobilisa.

Les quatre mille yeux phosphorescents se fermèrent. Quand ils s’ouvrirent à nouveau de la poitrine de nos amis, un cri d’horreur faillit s’échapper. Sous leurs yeux, un poulpe gigantesque tenait un homme. Ses énormes bras le fouettaient, le serraient, l’enlaçaient des chevilles au col, tandis que ses ventouses cherchaient à coller à la peau et à sucer la vie. Le malheureux se débattait, cherchait à se dégager de l’étreinte formidable, à saisir la calotte qu’il suffit de retourner pour dégonfler le terrible animal et en faire une loque inerte et inoffensive ; il n’y parvenait pas. Les gros yeux du monstre, à fleur de tête, luisaient de férocité satisfaite. Les tentacules se resserraient.

Tout à coup, on vit le poulpe desserrer sa multiple étreinte ; il s’immobilisa, et monta lentement à la surface. Le Sous-Terrien qui s’était livré au monstrueux animal, terreur et horreur des mers, était tranquillement debout sur le sable, son stylet à la main.

Il venait, cependant, de jouer un jeu dangereux ; le poulpe pouvait lui paralyser les bras et l’étrangler dans la même seconde ; il pouvait, d’un seul effort, lui briser la colonne vertébrale. On l’aurait secouru, certainement, mais l’aurait-on secouru à temps ?

La dernière scène de cette représentation unique fut certainement la plus originale, et celle qui obtint le plus grand succès.