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une descente au monde sous-terrien

faisaient ensemble excellent ménage ; on les entendait causer et rire aux éclats tant qu’ils étaient éveillés. Ils parlaient une sorte de jargon mi-sous-terrien, mi-hollandais, mi-français, qui ne manquait pas d’originalité. C’était, d’ailleurs, l’enfant qui profitait le mieux de la leçon en partie double : au bout de quelques jours il se faisait comprendre, bien qu’il lui fût impossible de prononcer autre chose que des A, et notre langue ainsi parlée prenait dans sa bouche une allure singulière.

Lhelma l’aimait beaucoup aussi ; c’est à elle qu’il venait quand il voulait une caresse ou une friandise.

Congo, lui, en attendant de massacrer les Kra-las, avait assumé les délicates et pacifiques fonctions de cuisinier. On le voyait toujours en train de plumer un volatile ou d’écailler un gros poisson. Il s’était improvisé des fourneaux à l’arriére du radeau habité par les Terriens, et s’ingéniait à composer des menus extraordinaires, qu’il fricotait toute la journée.

Quand nous disons qu’il n’y eut pas pendant cette traversée d’incidents remarquables, c’est une erreur ou une exagération : le docteur Francken, un matin, faillit être électrocuté. Il venait de lancer sa première ligne, et elle traînait à l’arrière du radeau, munie d’un gros hameçon et d’un appât sérieux, lorsque la canne à laquelle elle était attachée se mit à vibrer violemment :

— Une grosse pièce, s’écria-t-il.

Et Satrama battait des mains.

Tous deux commencèrent à tirer sur le filin, Francken devant, Satrama derrière, et bientôt apparut un énorme poisson de la forme générale d’une raie, mais beaucoup plus gros et qui se débattait avec fureur.