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une descente au monde sous-terrien

monotone de la caravane ; il ne parlait presque plus, et ce qu’il disait dénotait une tristesse profonde, et, jusqu’à un certain point, du remords.

— J’ai l’habitude, affirmait-il au président, qui cherchait à le ramener à un état d’esprit moins sombre, de me traiter selon mes mérites et de ne pas me ménager quand je sens que j’ai mal agi. Or, ma conscience me reproche de porter toute la responsabilité de ce qui s’est passé ici, et surtout de la mort de ce malheureux Congo, due à ma légèreté détestable.

— Oh ! vous exagérez, docteur ! Comment pouviez-vous prévoir ?…

— Justement je pouvais prévoir, et j’aurais dû le faire. Quand j’ai vu, moi docteur, moi naturaliste, moi savant, que la végétation préhistorique reparaissait contre toutes les prévisions au milieu d’un désert aussi aride que celui-ci, ce m’était une indication suffisante pour deviner que la vie animale, absente partout ailleurs, pouvait avoir constitué une réserve au même endroit. Si j’y avais songé, si je n’avais pas été, avec toute ma science le plus coupable des étourdis, je n’aurais pas entraîné Lhelma et Satrama dans une promenade pouvant donner de telles surprises. Ou si cette excursion m’avait séduit malgré ses dangers, du moins me serais-je fait accompagner d’hommes armés et bons pour nous défendre. À nous trois, Monsieur le Président, nous n’avions même pas un canif. Quand j’y songe, voyez-vous, quand je pense surtout que mon imprudence a coûté la vie de ce brase Congo… Oh ! je suis impardonnable et inconsolable !… Que dirai-je au capitaine Kerbiquet, quand il me demandera compte de l’existence de son serviteur ?