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une descente au monde sous-terrien

— Le capitaine Kerbiquet ne vous accusera pas de la mort de Congo, mon cher docteur, pour cette raison que personne ne pouvait l’empêcher. L’ai-je empêchée, moi qui avais des armes dans les mains ?… Quant à votre scrupule de savant, il est exagéré, croyez-moi. Nul être humain, sous la terre, ne soupçonnait avant ce jour que des animaux puissent avoir subsisté dans cet asile de la mort. Et l’existence de ceux-ci, constatée à nos dépens, hélas ! est encore pour moi un mystère. Comment vivent-ils ? De quoi vivent-ils ?… J’aurais affirmé, il y a deux heures, que l’hypothèse de cette existence était impossible et ridicule. À présent, j’avoue que nous ne savons pas tout, que nous ne comprenons pas tout, et que Dieu a toujours en réserve, pour nous, les leçons les plus inattendues. J’accepte celle-ci, je déplore qu’elle nous ait coûté aussi cher, mais après avoir donné à ce brave garçon le tribut d’admiration que vaut son dévouement extraordinaire, je la considère comme un avertissement d’avoir à nous mieux garder à l’avenir. Nous ne nous croyions pas encore entrés dans la période des dangers ; nous ne redoutions que la faim, la soif, ta fatigue et la chaleur, la mort de Congo nous apprend qu’il faut craindre autre chose, et qu’il est périlleux de s’endormir dans la quiétude au moment où l’on s’avance en plein inconnu. Je vous conseille, mon cher docteur, d’envisager de la même façon le drame qui vient de nous attrister. Il porte en soi son enseignement, comme tout ce qui nous arrive sur ou sous ta terre, et les hommes, vraiment dignes de ce nom, sont ceux qui ne se laissent pas asservir par le malheur, mais qui se relèvent et font preuve de plus d’énergie à mesure que la malchance les poursuit.