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une descente au monde sous-terrien

La lueur phosphorescente, partie des yeux des Sous-Terriens, les avertit du péril, et ils serrèrent leurs freins à temps pour n’être ni aperçus ni soupçonnés. Van Ah Fung décida, dès l’alerte passée, une halte de vingt-quatre heures à l’endroit même où se trouvait leur nacelle d’osier, suspendue dans le gouffre, et les deux voyageurs s’arrangèrent pour mettre à profit ce répit et ce repos, dont ils commençaient à sentir grandement le besoin. Wurtzler, s’étant assuré que le frein ne bougerait pas, s’enveloppa d’une grande couverture, rabattit sa casquette sur ses yeux, et s’accota dans un angle du panier, où il ne bougea plus. Van Ah Fung releva le collet de l’ulster à carreaux que nous lui avons vu à Dunkerque, et s’immobilisa dans l’angle opposé. Mais il eut grand soin de ne pas s’endormir, malgré la fatigue, et de tenir ses yeux grands ouverts sous la visière de son couvre-chef. Le petit Chinois, qui subissait depuis de trop longues heures déjà les exigences de son serviteur, pour cette seule raison qu’il avait eu la maladresse de lui laisser posséder toutes les armes de l’entreprise, s’était bien juré de reprendre ses revolvers. On verrait alors qui des deux voyageurs ferait marcher l’autre, et si les Asiatiques savent se prévaloir aussi bien que les Européens de « la raison du plus fort ».

Or, cette occasion, qu’il guettait avec une patience de sauvage, lui paraissait arrivée. Le mécanicien, depuis le départ, avait assuré presque seul la manœuvre du panier si heureusement laissé à l’orifice du gouffre par la grande expédition. Il devait être exténué. S’il lui venait à la pensée, de résister au sommeil par crainte d’une trahison quelconque, il ne le pourrait que pendant quelques minutes, et finirait, le