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une descente au monde sous-terrien

Un matin, ce désert parut s’animer. Un observateur, placé sur la grève de la mer antarctique, aurait pu voir les brumes de l’horizon, dans la direction du plein Nord, perdre leur immobilité normale, et se laisser traverser par une masse basse, grisâtre, avançant avec lenteur. Cette masse grossit peu à peu ; ses contours se précisèrent, et elle se divisa en cinq ou six petits îlots mouvants, progressant d’un mouvement uniforme sur le sable rouge et sur les roches torréfiées.

Enfin, lorsque une heure eut passé, ces îlots eux-mêmes prirent des formes connues et se transformèrent en mastodontes gigantesques, chargés de tout un bagage extraordinaire, et d’êtres humains immobiles sur leurs énormes dos.

C’était l’expédition lancée à l’attaque des Kra-las qui parvenait enfin, au bout de la région désertique, et qui s’approchait de la mer longtemps disparue, et sans le voisinage de laquelle il est impossible de vivre, sous Terre.

Hélas ! elle était bien réduite en effectif et en importance, cette caravane que nous avons vue partir si forte et si pleine d’entrain. Vingt éléphants antédiluviens avaient été mis en route, et six seulement arrivaient à la fin du voyage, affreusement las, flageollant sur leurs jambes épaisses, et prêts à succomber comme les autres. Il avait fallu l’approche de l’Océan polaire, pour les faire résister à l’impérieux désir de se coucher, de s’abandonner, de mourir… de se reposer, enfin

Ah ! c’est que la traversée du désert, sous un soleil de feu, avait été plus effroyable encore qu’on ne l’aurait attendu. C’avait été un supplice de toutes les heures, et Phocas de Haute-Lignée avouait au docteur Francken, quand il voyait dans son palanquin Lhelma muette et abattue par la fièvre,