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une descente au monde sous-terrien

Le président et Francken, cependant, debout sur la tête de leur mastodonte, et la jumelle marine aux yeux, inspectaient l’horizon. La ligne des brumes était rougeâtre et fuligineuse comme de coutume ; rien n’y dénotait un changement de teinte prochain, et la plaine qui s’étendait devant les voyageurs, dans sa concavité montant jusqu’à ce que nous appelons ici le ciel, était aussi nue, aussi vide, aussi brûlée que celle déjà parcourue par l’expédition.

— Voyez-vous quelque chose ? demanda le président au petit docteur.

— Absolument rien. Est-ce que nos compagnons seraient subitement devenus fous ?

Ce fut Satrama, maintenant assez accoutumé à la langue française, qui donna l’explication.

— Nous ne voyons pas la mer, dit-il, nous la sentons.

Et c’était la vérité. Bien qu’on fut encore à trois étapes de la plaine liquide, les mastodontes l’avaient devinée parce que l’instinct des animaux est un instrument merveilleux, et les Sous-Terriens l’avaient pressentie par cette intuition que nous possédons tous, et qui nous fait reconnaître le parfum subtil et particulier de l’air natal, même si nous n’y sommes pas encore, et si la brise ne nous en apporte que des émanations extrêmement vagues. Or, pour les sujets de Phocas de Haute-Lignée, l’air natal, c’est l’atmosphère marine.

À dater de cet instant l’aspect entier de l’expédition changea. Le silence morne, qui régnait depuis longtemps déjà sur la marche quotidienne, fit place à un bourdonnement incessant de voix, que perçaient des exclamations joyeuses. Les Sous-Terriens ayant affirmé qu’on trouverait de l’eau douce