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Page:Pierre de Coubertin - L’Éducation anglaise en France, 1889.djvu/177

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au loin !

On ne dort pas en France cependant mais l’activité y revêt une forme particulière. — Vous souvenez-vous de la fière réponse de Fox au Premier consul ? C’était au moment de la paix d’Amiens ; Bonaparte promenait son hôte, l’ennemi de la veille et du lendemain, dans les galeries du Louvre ; le doigt sur la mappemonde, il lui fit remarquer tout à coup quelle petite place l’Angleterre occupait dans l’immensité des mers et des continents : « C’est vrai, répondit l’Anglais, mais elle enserre le monde de ses vaisseaux. » — La France, elle, l’enserre de ses idées ; tout autour du globe ceint par l’humanité d’un fil magique circule la pensée française, féconde, infatigable, mais servant trop souvent l’ambition des autres et profitant aux nations rivales. Çà et là les trois couleurs flottent sur de riches territoires, sur des stations lointaines que gardent nos baïonnettes, débris d’une splendeur coloniale disparue ou résultats de guerres de représailles que l’honneur national a rendues nécessaires. Tout cela est vide, triste, inanimé ; nos colonies ressemblent à des enfants qui passent de l’école à l’hospice, qui coûtent toujours et ne rapportent jamais ; c’est qu’elles n’obtiennent de la mère-patrie que des fonctionnaires résignés, des décavés sans ressources ou des déclassés sans principes. Où sont donc les hommes jeunes, indépendants, honnêtes dont elles auraient besoin ?