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souvenirs d’amérique et de grèce.

la guerre d’éclater. Cet état de choses a eu pour conséquence une déviation de l’athlétisme. Des sociétés se sont fondées qui ont en vue le sport pour la guerre. En Prusse, au commencement du siècle, c’était moins la perspective de la revanche que le désir d’un relèvement général qui animait les promoteurs de la gymnastique. De nos jours l’esprit n’est plus le même. Gymnastes et tireurs se préparent, en plus d’un pays, à la lutte armée ; ils ont militarisé à outrance leurs exercices et emportent avec eux sur le terrain d’entraînement les passions patriotiques qui les animent. Or les Anciens avaient dû proclamer autour des Jeux Olympiques la trêve sacrée ; pour les Modernes, la nécessité n’en est ni moins absolue ni moins immédiate : pas de trêve, pas de Jeux Olympiques.

C’est pourquoi notre œuvre, au milieu de sympathies presque unanimes, a rencontré quelques oppositions ; nous ne les craignons point. Le temps fera son œuvre et, quand ils comprendront ce que nous avons voulu faire, nos détracteurs eux-mêmes seront avec nous.

Il n’est jamais très aisé ni très agréable de se rendre chez quelqu’un pour lui dire : « Vous avez de bien beaux salons. Permettez que nous y organisions, à vos frais, une fête qui sera superbe. » Telle était la mission dont je me trouvais investi en débarquant au Pirée le 8 novembre 1894. Les Grecs avaient accueilli avec enthousiasme la décision du Congrès de Paris. La proposition d’inaugurer à Athènes les modernes Jeux Olympiques avait été formulée par leur