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CHAPITRE V.

leurs bras. Un horrible fracas retentit sur la mer sans bornes ; la terre pousse un long mugissement ; le vaste ciel s’agite et gémit ; le grand Olympe tremble jusqu’en ses fondements, sous le choc des immortels. L’ébranlement terrible se fait sentir jusque dans le ténébreux Tartare… Alors Jupiter ne retient plus son courroux. Son âme se remplit à l’instant de fureur ; il déploie sa force tout entière. Impétueux, il s’élance des hauteurs du ciel et de l’Olympe, faisant jaillir des feux étincelants : les foudres volaient sans relâche hors de sa main puissante, au milieu du tonnerre et des éclairs, en roulant une flamme sacrée. La terre nourricière mugissait embrasée ; et les forêts immenses pétillaient enveloppées par l’incendie. La terre bouillonnait au loin, et les flots de l’Océan, et la mer stérile. Une brûlante vapeur entourait les Titans fils de la Terre ; la flamme s’élevait à l’infini dans l’air divin ; et les combattants, tout braves qu’ils fussent, étaient aveuglés de l’éblouissant éclat de la foudre et du tonnerre. Le vaste incendie envahit le chaos même… Cottus, et Briarée, et Gyès insatiable de guerre, avaient excité aux premiers rangs un combat acharné. De leurs mains puissantes ils lancent coup sur coup trois cents rochers, et ombragent les Titans d’une nuée de flèches. Vainqueurs de ces vaillants ennemis, ils les précipitent sous la vaste terre, et ils les chargent d’impitoyables chaînes, dans ces abîmes aussi profondément enfoncés sous la terre que le ciel s’élève au-dessus de sa surface. Car une enclume d’airain, tombant du ciel, descendrait neuf nuits et neuf jours, et atteindrait à la terre le dixième jour ; et une enclume d’airain, tombant de la terre, descendrait neuf nuits et neuf jours, et atteindrait le dixième jour au Tartare. L’abîme est entouré d’une barrière d’airain. Autour de l’ouverture la nuit répand à triple repli ses ombres ; au-dessus reposent les racines de la terre et de la mer stérile. C’est là que les dieux titans sont emprisonnés dans les ténèbres obscures, par l’ordre de Jupiter assembleur de nuages[1]. »

  1. Théogonie, vers 677 et suivants