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PINDARE.

par exemple, Pollux qui se dévoue pour Castor[1] ; c’est Antilochus qui meurt pour son père[2]. Sans être un philosophe de profession, Pindare laisse échapper de temps en temps quelques-uns de ces mots profonds, quelques-unes de ces images saisissantes, où se révèle le penseur qui a longuement médité sur les choses humaines. C’est lui qui s’écrie, avec une éloquence comparable à celle du psalmiste pénitent : « Que sommes-nous ? que ne sommes-nous pas ? Le rêve d’une ombre, voilà les hommes[3]. » L’amour-propre national lui-même ne l’aveugle ni sur les défauts de ses concitoyens, ni sur les vertus des étrangers. On sait que les Thébains, durant les guerres Médiques, avaient pris parti pour les Perses contre les Grecs. Pindare n’essaye nulle part d’atténuer leur trahison ; et, dans plusieurs de ses chants, il proclame ouvertement son admiration pour l’héroïsme des vainqueurs de Salamine et de Platées. Il insiste particulièrement sur les services rendus à la cause commune par les Éginètes ; et comme Égine, d’après les vieilles légendes de la race dorienne, avait un étroit lien de parenté avec Thèbes, on dirait qu’il cherche indirectement à relever, suivant l’expression d’un critique, la tête humiliée de la Béotie.


Diversité des odes triomphales.


Les chants de triomphe composés par Pindare sont fort divers et de sujets, et d’étendue, et de style, et de forme même. Il est probable que ceux qui n’ont que des strophes sans épodes étaient chantés par une procession qui se rendait ou au temple de la divinité des jeux ou à la maison du vainqueur. Il pouvait se faire cependant que cette procession chantât quelquefois des hymnes avec épodes : il suffisait que le cortège s’arrêtât, dans sa marche, à des intervalles réglés. Mais la plupart des poëmes à épodes se chantaient durant le comos ou fête joyeuse qui terminait la journée après les sacrifices et les actions de grâces aux dieux. C’est ce qu’attestent encore

  1. Pindare, Néméennes, ode X.
  2. Pythiques, ode VI.
  3. Pythiques, ode VIII.