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CHAPITRE XIII.

éginète, où Pindare ne célèbre la race illustre des Éacides, dont le nom se présentait de lui-même à l’esprit dès qu’on nommait Égine. D’autres fois ces événements de l’âge héroïque sont présentés comme une sorte de miroir, où le vainqueur doit reconnaître l’image idéalisée de sa propre vie, des travaux, des périls qu’il a endurés. D’autres fois enfin, il y a sous la légende, ou plutôt sous l’allégorie, une leçon, un sage conseil, sur lequel s’arrêtera sa pensée, et dont il fera son profit. Pélops et Tantale, dans la première Olympique, sont deux types où Hiéron pouvait se reconnaître, ici par ses vices, là par ses vertus. Les récits les plus longs, par exemple celui de l’expédition des Argonautes, dans la quatrième Pythique, ont leur but aussi, et sont autre chose que des contrefaçons lyriques de l’épopée. Le poëte ne s’y oublie qu’en apparence. Le sujet est en réalité présent à ses yeux. Ce qu’il se propose, dans la quatrième Pythique, c’est de revendiquer pour Arcésilas, roi de Cyrène, l’honneur de descendre des conquérants de la Toison d’or ; et, s’il insiste sur la peinture des caractères de Pélias et de Jason, le tyran soupçonneux et le noble exilé, c’est une ouverture qu’il prépare à la requête par laquelle il termine le poëme, en faveur de son ami Damophilus.


Obscurité de Pindare.


Il faut bien dire que Pindare laisse toujours infiniment à faire à l’esprit de son lecteur. Il dissimule ses voies ; il affecte de tenir dans le vague et l’incertitude son véritable dessein, afin de nous procurer le plaisir de le découvrir nous-mêmes. Il semble désirer qu’on le croie à chaque instant entraîné hors du droit chemin par son ardeur poétique : ainsi quand il revient brusquement à son thème après un long épisode ; ainsi quand, à propos d’une expression proverbiale, il se lance dans un récit qui dure quelquefois assez longtemps. On disait, chez les Grecs, qu’une chose impossible, c’était de pénétrer, par mer ou par terre, dans le pays dés Hyperboréens. L’histoire du séjour de Persée chez ce peuple fabuleux, qui tient dans la dixième Pythique une place notable, a