Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
CHAPITRE XV.

à la précision scientifique. Ils créaient le style historique, sinon l’histoire, et ils préparaient les voies à Hérodote, comme les philosophes rendaient possible la merveille du style d’Hippocrate.

Tous les logographes ne sont pas des Ioniens ; mais tous ont écrit en langue ionienne, parce que c’est d’Ionie qu’était partie l’impulsion, et parce que l’ionien était le seul dialecte qui eût des prosateurs. C’était l’idiome commun de tous les écrivains en prose, comme le dialecte épique, l’antique ionien, avait été durant des siècles l’idiome commun des poëtes grecs de tout pays, et comme il demeura jusqu’au bout l’idiome de la poésie narrative et de la poésie didactique.

Milet eut l’honneur de produire le premier historien, comme elle avait produit le premier philosophe. L’amollissement des mœurs et l’affaissement des courages avaient compromis plus d’une fois l’indépendance des cités ioniennes, pressées de tous côtés par des voisins puissants, et les avaient réduites au rôle humiliant de complaisantes, sinon d’esclaves, des monarques lydiens d’abord, ensuite des maîtres du grand empire. La haute poésie avait dû mourir et était morte, en Ionie, mais non pas les facultés de l’intelligence. Les spéculations des philosophes, les récits des logographes, n’étaient aux yeux des gouvernants que d’innocentes récréations, dont il ne fallait non plus priver la foule que des chants gracieux de Mimnerme et de ses pareils.


Cadmus de Milet et Acusilaüs.


Cadmus de Milet avait choisi un sujet propre à charmer ses concitoyens : c’était l’histoire de la fondation de leur ville natale, ou plutôt le recueil des fables qui avaient cours sur les merveilleuses origines de Milet. L’ouvrage de Cadmus n’existait déjà plus dès le temps de Denys d’Halicarnasse.

Acusilaüs d’Argos, Dorien, qui fut presque contemporain de Cadmus de Milet, et qui prit son style pour modèle, écrivit dans la première moitié du sixième siècle avant notre ère. Son ouvrage n’embrassait que la période mythologique et