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CHAPITRE XVI.

chose que des récits partiels et des lambeaux de son œuvre. Le plan immense qu’il avait conçu ne fut complètement réalisé que longtemps après ; et c’est seulement dans les dernières années de sa vie qu’il cessa de travailler, et qu’il vit son monument debout, tel qu’il avait jadis rêvé de le construire.


Plan de l’histoire d’Hérodote.


L’ouvrage d’Hérodote embrasse l’histoire de tous les peuples alors connus ; mais le sujet principal, le fait autour duquel se groupent tous les autres faits, et où tout vient aboutir de près comme de loin, c’est la grande et terrible lutte de l’Asie contre la Grèce. Pour former un tout des innombrables détails qu’il se proposait de déployer Hérodote conçut une sorte d’épopée, dont l’ordonnance n’est pas sans analogie avec celle des poëmes d’Homère. Comme l’auteur de l’Odyssée, il transporte dès le début, ou peu s’en faut, le lecteur au sein même des événements qui ont préparé la lutte ; et, conduit de souvenir en souvenir, montant et descendant dans les siècles, tournant à droite, tournant à gauche, il arrive à la journée de Mycale, après avoir passé en revue tout ce qu’offraient d’important, ou seulement de curieux, les traditions des peuples. Sa manière de rattacher les récits les uns aux autres tient un peu de celle du vieux Nestor. Seulement les parenthèses du vieillard de Pylos, ces aventures qu’un nom lui remet en mémoire, et qu’il intercale les unes dans les autres, mais sans oublier le but où il tend, ont pris, dans Hérodote, des dimensions proportionnées à l’immensité d’un discours où il s’agit de montrer l’opposition de deux mondes et le triomphe de l’Europe sur l’Asie. L’unité de l’ouvrage est dans cette opposition fondamentale ; unité qui admet une diversité infinie, car tout ce qui a trait, de près ou de loin, et aux cités grecques et à l’empire des Perses, histoire, géographie, mœurs, usages, religions, toutes les traditions, tous les faits, toutes les légendes, appartient en définitive au vaste domaine conquis par l’écrivain ; j’allais dire, par le poëte. Ce titre glorieux, Hérodote le mérite à plus d’égards