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EURIPIDE.

Dans tout ce qui précède, je n’ai guère fait que résumer les caractères généraux des tragédies d’Euripide. Je me hâte d’ajouter que plusieurs sont de vrais chefs-d’œuvre, presque complètement exempts des défauts habituels du poëte, et où brillent dans tout leur éclat les vertus qui lui sont propres. Ainsi Médée, ainsi surtout les Bacchantes et Iphigénie à Aulis. Ces belles compositions n’ont pas beaucoup à envier, et pour la conception de l’ensemble, et pour l’ordonnance des parties, et pour la tenue des principaux personnages, et pour l’unité et la force de l’impression, aux plus rares merveilles du théâtre antique. Seulement le souffle lyrique ne les embrase pas, et la vie héroïque y a pris quelque chose des teintes de la vie commune. À elles encore s’applique le mot qu’on prête à Sophocle : « Euripide a peint les hommes tels qu’ils sont. »


Style d’Euripide.


Le style d’Euripide dans le dialogue ne diffère proprement de la prose que par le choix exquis et la position des mots, et par leurs combinaisons métriques. On dit cependant que c’est avec une extrême difficulté qu’il faisait ces vers qui nous paraissent si faciles. Lui-même affirmait une fois que trois de ses vers lui avaient coûté trois jours de travail. Peu nous importe d’ailleurs : le temps ne fait rien à la chose. Ce qui est certain, c’est que le style d’Euripide se recommande à notre admiration par quelques-unes des plus rares qualités qu’on puisse désirer chez un écrivain. Élégant, clair, harmonieux, toujours coulant et flexible, ce style se prête à tous les besoins de la pensée ; il en saisit et en illumine, pour ainsi dire, les plus fugitives nuances : « Euripide, dit l’abbé Barthélemy, d’après les anciens, ne retint presque aucune des expressions spécialement consacrées à la poésie ; mais il sut tellement choisir et employer celles du langage ordinaire, que, sous leur heureuse combinaison, la faiblesse de la pensée semble disparaître et le mot le plus commun s’ennoblir. » Voilà pourquoi la lecture des tragédies d’Euripide n’offre aucune de ces difficultés qu’on rencontre à chaque pas à travers la diction de Sophocle et surtout d’Eschyle. Je ne regrette