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EURIPIDE.

reconnaissance, et lui raconter les uns qu’ils avaient été affranchis pour avoir appris à leurs maîtres ce qu’ils se rappelaient de ses poëmes, les autres qu’en errant après le combat ils avaient reçu à manger et à boire pour avoir chanté ses vers. » À ce propos, Plutarque raconte encore qu’un vaisseau de Caunus en Carie, poursuivi par des corsaires, et à qui on avait d’abord refusé l’entrée d’un port de la Sicile, y fut admis après qu’on eut demandé à ceux qui le montaient s’ils savaient quelque chant d’Euripide, et qu’ils eurent répondu à la satisfaction des Siciliens.

L’Électre n’est pas, à beaucoup près, la meilleure des pièces d’Euripide. La fable est romanesque et invraisemblable, les caractères manquent de dignité, et le dialogue tourne quelquefois presque au comique et à la parodie. Ainsi la façon plus ou moins heureuse dont Eschyle, dans les Choéphores, avait ménagé la reconnaissance d’Oreste et de sa sœur, est indirectement l’objet, dans l’Électre d’Euripide, d’une critique vive et spirituelle, mais un peu outrée, et qui n’est guère à sa place. Cette médiocre tragédie est encore une tragédie d’Euripide : il y a du mouvement, de l’intérêt, du pathétique ; les Athéniens n’ont pas été si durs pour elle que la plupart des critiques modernes, et ils ont tout pardonné à ce qui leur faisait verser des larmes. Après la prise d’Athènes par Lysandre, il fut question parmi les vainqueurs de détruire la ville, et de réduire tous les citoyens en esclavage : « L’assemblée, dit Plutarque dans la Vie de Lysandre, fut suivie d’un festin où se trouvèrent tous les généraux, et pendant lequel un Phocéen chanta ces vers du premier chœur de l’Électre d’Euripide : O fille d’Agamemnon, je suis venue vers ta demeure rustique…. À ce moment, tous les convives se trouvèrent attendris ; et ils virent tout ce qu’il y aurait d’horrible à détruire une ville si célèbre et qui avait produit de si grands hommes. »

Les Arsacides, tout Parthes qu’ils étaient, mettaient leur vanité à suivre les exemples des rois descendus des successeurs d’Alexandre. Ils avaient des acteurs grecs à leur cour, et ils faisaient leurs délices des tragédies d’Euripide. Le jour où l’on apporta à Hyrodès la tête de Crassus, on jouait de-