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CHAPITRE XXII.

primitive comédie. Mais le coryphée et sa troupe chantaient ou parlaient en vers, tantôt récités par cœur, tantôt improvisés. Le chœur comique se perfectionna peu à peu, insensiblement, par l’œuvre de poëtes dont nous ne connaissons pas plus qu’Aristote la date et les noms. Mais la grande invention, le perfectionnement par excellence, ce fut l’introduction de la fable, de l’épisode comme on disait, de l’élément dramatique enfin, dans la comédie. Que ce soit la Sicile ou l’Attique qui ait vu la première s’opérer cette révolution littéraire, assurément peu nous importe : il nous suffit que c’est au temps où florissait Eschyle, c’est-à-dire dans le premier tiers environ du cinquième siècle, qu’on joua les premiers drames intitulés comédies. Nul doute que cet art nouveau ne soit né, à Athènes ou ailleurs, des succès fortunés du spectacle tragique, suivant l’expression de Boileau : il est même assez étrange qu’on ait attendu si tard avant d’appliquer au chœur comique le procédé qui avait si merveilleusement réussi sur le dithyrambe, et qui en avait fait sortir, grâce à Thespis, à Phrynichus, à Pratinas, la tragédie et le drame satyrique.


Comédie dorienne.


Épicharme était un Dorien de Cos, mais il avait été transporté à Syracuse dès son bas âge. Il vécut en Sicile à la cour de ces souverains dont j’ai si souvent parlé, qui attiraient auprès d’eux, de toutes les parties de la Grèce, les poëtes, les musiciens, les artistes. Il était célèbre surtout comme philosophe. Voici l’inscription que les Syracusains avaient fait graver sur sa statue : « Autant le grand soleil l’emporte par son éclat sur les autres astres et autant la mer a une puissance supérieure à celle des fleuves, autant l’emporte par sa sagesse Épicharme, à qui Syracuse a décerné des couronnes. » Il avait écrit un grand nombre d’ouvrages très sérieux, et il passait pour le plus illustre représentant de l’école pythagoricienne. Il fut pourtant poëte, et poëte de génie. C’est grâce à lui que la comédie prit rang parmi les œuvres littéraires. Ses comédies, ou plutôt ses satires dra-