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CHAPITRE XXII.

composition d’Aristophane : « C’est, dit W. Schiegel, une poésie aérienne, ailée, bigarrée, comme les êtres qu’elle dépeint. C’est le jeu innocent, dit encore le même critique, d’une imagination pétulante et badine, qui touche légèrement à tout, et qui se joue de la race des dieux comme de celle des hommes, mais sans se diriger vers aucun but particulier. »


Un côté peu connu de la poésie d’Aristophane.


Je ne saurais quitter Aristophane sans citer un morceau pour le moins à l’appui de quelques-unes de mes assertions ; et, comme on ne conteste guère au poëte d’avoir excellé dans le dialogue, ou même dans la narration comique, je choisirai de préférence quelque chose de quasi sérieux, une sorte d’idylle demi-lyrique où l’on respire les plus fraîches senteurs de la campagne. C’est un délicieux tableau des douceurs de cette paix tant souhaitée d’Aristophane, et qui fut si lente à venir : « Il n’est rien de plus agréable, quand les semailles sont faites, que de voir Jupiter verser la pluie, et de se dire entre voisins : Dis-moi, que faisons-nous à cette heure, cher Comarchide ? Mon avis est de boire, tandis que le dieu fait si bien nos affaires. Allons, femme, fais griller trois chénices de fèves ; mêles-y du froment ; va chercher des figues. Que la Syrienne rappelle Manès des champs ; car il n’y a pas moyen d’ébourgeonner la vigne aujourd’hui ni de briser les mottes, vu que la terre est toute trempée. — Et qu’on apporte de chez moi la grive et les deux pinsons. Il doit y avoir aussi du petit lait et quatre morceaux de lièvre, à moins que le chat n’en ait volé quelqu’un hier au soir ; car j’ai entendu à la maison je ne sais quel bruit, quel remue-ménage. Enfant, apportes-en trois pour nous, et donnes-en un à mon père. Demande à Eschinade des branches de myrte, de celles qui ont des fruits ; et, par la même occasion, car c’est sur le chemin, qu’on appelle Charinade, afin qu’il boive avec nous, tandis que le dieu nous rend si bien service et féconde nos labours. — Quand la cigale chante son doux refrain, j’aime à visiter mes vignes de Lemnos, pour savoir si elles commencent à mûrir, car c’est un plant hâtif. J’aime à voir se gonfler la jeune figue ;