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CHAPITRE XXXIX.

porte du palais, la presse des gens que la curiosité amène comme elles. Elles s’en tirent bravement. Les voilà en face des merveilles de la fête, et près du lit où repose Adonis. Ce sont des exclamations à n’en plus finir. Un voisin les veut faire taire, mais il n’a pas de dernier mot avec elles. Elles se taisent pourtant : c’est quand la prêtresse chante un hymne en l’honneur d’Adonis. Après le chant, elles voudraient bien rester encore ; mais l’une des deux se rappelle que son mari est à jeun, et qu’il ne serait pas bon de le faire trop longtemps attendre.

Si la traduction pouvait donner une idée approchante de l’esprit des deux commères et de leur malicieuse naïveté, je transcrirais quelque chose de leur conversation entre elles ou avec des gens de la foule. Mais je ne me hasarderai pas à gâter leur aimable caquetage, en faisant évaporer cette senteur dorienne qui lui donne tant de piquant et de grâce.


Idylles mythologiques.


Je ne crois pas exagérer en mettant les Syracusaines au premier rang parmi les œuvres de Théocrite. A côté d’elles, mais non pas au-dessous, il faut placer la complainte amoureuse de Polyphème adolescent. Car Théocrite a eu le don de rendre la mythologie aussi vivante que l’imitation même des tableaux de la vie réelle ; non pas une fois seulement, mais toutes les fois qu’il a touché à ces sujets antiques. Le récit du premier exploit d’Hercule, par exemple, dans la vingt-quatrième idylle, est égal au morceau analogue qu’on lit chez Pindare. C’est que les thèmes mythologiques sont pour Théocrite autre chose que des matières à versification. Il ne s’est pas borné, comme ses contemporains d’Alexandrie, à ressasser les mythes anciens et à combiner des épithètes : sous les personnages imaginaires qu’il met en scène, il y a des êtres véritables ; dans le cadre fourni par la tradition antique, il y a une pensée, un sentiment, quelque chose qui sort des entrailles mêmes du poëte. Ce qu’aperçoit Théocrite, ce qu’il peint des plus vives couleurs, c’est l’amour maternel d’Alcmène, c’est la vaillance des Dioscures, c’est la beauté de l’épouse de Ménélas, c’est un premier amour, respectueux et passionné, c’est