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LITTÉRATURE SICILIENNE.

l’efficacité de l’étude et de la poésie pour guérir ou du moins pour calmer les souffrances du cœur. Cela signifie simplement que Théocrite est un poëte ; car, pour les poëtes dignes de ce beau nom, il n’y a pas de sujets usés ni rebattus. Voici la dix-neuvième idylle, la plus courte de tout le recueil, et une idylle mythologique. La poésie anacréontique elle-même n’a rien de plus gracieux ni de plus frais que cette petite allégorie : « Un jour l’Amour voleur pillait les rayons d’une ruche. Une abeille fâchée lui piqua de son aiguillon le bout des doigts. L’Amour est pris d’une vive douleur ; il souffle sur sa main ; il frappe du pied la terre, et s’envole. Il va montrer sa plaie à Vénus, et se plaint qu’un animal aussi petit que l’abeille fasse de si grandes blessures. Et la mère, souriant : « N’es-tu pas semblable aux abeilles ? Tu n’es qu’un petit enfant ; mais quelles blessures tu fais ! »


Épîtres.


Les épîtres de Théocrite, c’est-à-dire les idylles où le poëte s’adresse en son propre nom à tel ou tel personnage, et où il garde d’un bout à l’autre la parole, ne sont pas les pièces les moins précieuses de ce petit livre, où tout a son prix. L’éloge de Ptolémée (idylle XVII) ne sort peut être pas assez des formes officielles du panégyrique, et montre un peu trop de vertus, de noblesse, de puissance, de munificence, dans le roi d’Égypte et dans ses ancêtres. Ces apothéoses et ces éloges par-dessus les nues se sentent du pays où le poëte écrivait alors. L’idylle ne vaut que par quelques détails heureux, et par ce style qui ne perd jamais rien de son naturel et de sa vérité, même dans l’expression de sentiments exagérés et de pensées quelquefois suspectes. Mais l’épître à Hiéron (idylle XVI) ne laisse rien à désirer au goût le plus difficile. L’éloge du chef des Syracusains est simple et vrai ; les souhaits de Théocrite pour le bonheur de sa patrie partent du cœur d’un citoyen dévoué ; et l’apologie de la poésie et des poëtes, qui remplit les deux tiers de l’idylle, a je ne sais quelle teinte de mélancolie douce et plaintive, qui ajoute son charme à celui des éloquentes invectives de Théocrite contre l’esprit mercantile