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perles noires


 Les jeunes gens d’Alsace, après avoir vendu
Les dernières moissons et le sol de leurs pères
Partent sous d’autres deux cherchant des jours prospères,
Ressemer le blé lourd du paradis perdu.

 Car ils ne veulent pas, soldats des nouveaux maîtres,
Dans le triste Hanôvre, ou le froid Brandebourg,
Aller servir trois ans, et, songeant aux ancêtres,
Ils n’osent regarder le clocher de Strasbourg.

 Ils ont assez pleuré !… mais la flèche se dore
Sous le pâle soleil, et les blonds émigrants
Qui reviendront un jour chasser les conquérants
S’arrêtent, tout pensifs, pour regarder encore.

 La bise emporte au loin les papillons d’azur ;
Ils s’envolent, ouvrant leurs ailes diaprées
Pour découvrir les fleurs de nouvelles contrées,
Imprudents que la mort guette au coin d’un vieux mur.

 Ils espéraient trouver derrière les collines
Des parfums plus puissants aux lis immaculés,
De longs chemins couverts, sablés de cornalines,
Des prés toujours fleuris et des deux étoilés.