Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/64

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avec qui j’avois vécu, tantôt en déplorant la conduite des femmes du monde, tantôt en leur donnant des ridicules. Elle éprouvoit ma discrétion sur les autres, afin de s’en assurer pour elle-même. L’amour-propre ne me fit jamais rompre le silence qu’un honnête homme doit garder sur cette matière. J’ai toujours été plus sensible au plaisir, qu’à la vanité de la bonne fortune. Cette discrétion fit impression sur son esprit, car j’avois déjà touché son cœur. J’achevai de la séduire en l’accablant d’éloges sur sa beauté, ses grâces, et même sur sa vertu. J’admirais toujours les sacrifices qu’elle faisoit à Dieu ; mes discours étoient flatteurs, sans paroître hypocrites. Je lui vantois les plaisirs du monde, et mes yeux l’assuroient que j’étois près de lui en faire le sacrifice. Dans la crainte que l’on ne pénétrât le motif de mes visites, elle m’avertit des heures de ses exercices de piété, et de celles où je devois me rendre auprès d’elle, pour n’y pas trouver les dévotes qui s’y rassembloient quelquefois pour traiter des affaires du parti. Quoique la médisance ne fût pas un des projets décidés de cette assemblée, c’étoit un des devoirs que l’on y remplissoit le mieux. Je prenois assez bien mon temps pour me trouver toujours seul avec madame de Gremonville.

Je m’aperçus bientôt que l’amour me donnoit