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LA RÉUNION

la Meuse-Inférieure, 21 dans les Deux-Nèthes, 32 dans l’Ourthe, 21 dans Sambre-et-Meuse, qui furent groupés en arrondissements. Ainsi demeurèrent constitués, sauf de légères retouches postérieures, les « neuf départements réunis » qui vinrent s’adjoindre en 1795 aux 85 départements de la République. Privée des antiques circonscriptions sur lesquelles elle était construite et qui délimitaient sa compétence et ses pouvoirs, l’organisation politique, administrative et judiciaire de la Belgique s’effondrait tout entière. La France n’avait plus qu’à prolonger la sienne sur le pays qu’elle venait d’adapter à son fonctionnement.

III

Ce n’est certainement pas le hasard qui a fait coïncider, avec les diverses phases de la conquête des provinces belges, autant de transformations dans le régime intérieur de la République. Leur première invasion est contemporaine de la suspension de Louis XVI et de la suppression de la royauté ; leur perte après Neerwinden, du gouvernement révolutionnaire ; leur occupation après Fleurus, de la chute de Robespierre et de la fin de la Terreur ; leur réunion enfin, de la Constitution de l’an III et du Directoire. Ce curieux parallélisme atteste l’extraordinaire importance attribuée par la France révolutionnaire à la possession de la Belgique. Pour s’en emparer, elle a bandé tous les ressorts de son énergie et recouru aux plus extrêmes mesures de salut public. Au moment où elle est arrivée au but de ses efforts, sa fièvre se calme et elle se donne, dans ses frontières agrandies, l’organisation politique par laquelle s’achève la Révolution.

Car avec la Constitution de l’an III (22 août 1795) s’arrête la poussée démocratique qui, depuis 1789, n’avait cessé de grandir. Il n’est plus question de « régénérer » la nation, mais de l’organiser. On veut maintenant fonder les droits de l’homme sur un régime stable et, si l’on peut dire, conservateur. On se défie autant des royalistes que des « anarchistes », et la propriété est déclarée la base de l’ordre social.