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LE RÉGIME TRANSITOIRE

C’est par ce régime nouveau, entré en vigueur quatre semaines après sa réunion à la France, que la Belgique a été initiée à la Révolution. Celle-ci commence pour elle au moment où elle se clôt en France. Mais comment eût-il été possible de lui appliquer de but en blanc la Constitution de l’an III ? Depuis Jemappes rien ne l’y avait préparée ; le seul résultat des crises qu’elle avait traversées avait été de la désorganiser et de l’exploiter. Du nouvel ordre des choses elle ne connaissait encore que les violences qu’il lui avait prodiguées.

Sans doute, il ne pouvait plus être question d’abandonner les habitants, devenus citoyens français, aux rigueurs de l’occupation militaire. Mais les soumettre brusquement à toutes les lois de la République, c’eût été bouleverser de fond en comble leur organisation politique et leur organisation sociale, puisque ces lois innovaient également dans tous les domaines et qu’elles transformaient aussi profondément le droit privé que le droit public. On se décida à n’avancer que par étapes et à ne détruire qu’au fur et à mesure que l’on édifierait. Le 5 octobre 1795, un arrêté des représentants déclara que les « pays réunis » continueraient d’être gouvernés « sur le pied actuel » en attendant que les nouvelles lois de la République y fussent proclamées.

À vrai dire, le « pied actuel » c’était le chaos. Depuis Fleurus, on avait improvisé au gré des circonstances. Les représentants s’étaient contentés de jeter par dessus les anciennes institutions une administration provisoire fonctionnant tant bien que mal en marge de l’occupation militaire. Nul effort de coordination. Les anciens impôts subsistaient côte à côte avec les réquisitions ; les cours de justice conservaient un reste d’existence et les vieilles institutions municipales fonctionnaient toujours. Ni les confréries religieuses, ni les corporations de métiers, ni les bailliages et les châtellenies n’avaient été supprimés. En attendant mieux, ils rendaient encore quelques services et garantissaient contre l’anarchie. Après un premier moment de confiscations hâtives, il avait fallu revenir en arrière. Les dîmes avaient été rétablies et