Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
LA RÉUNION

accepter aucune fonction ? Dans le pays flamand, la langue compliquait encore les difficultés. Il était même impossible d’en appeler à l’intérêt pour amadouer les récalcitrants. Car les fonctions municipales étaient gratuites, et les traitements des juges et des administrateurs départementaux, trop modiques pour séduire personne, étaient en outre payés avec une irrégularité déplorable. Le pauvre Bouteville voyait son travail se défaire à mesure. Sauf dans le département de l’Ourthe, les titulaires, à peine désignés, envoyaient leur démission. Des personnes qui avaient accepté la veille refusaient le lendemain. Les municipalités faisaient attendre indéfiniment les listes des candidats qui leur étaient demandées. Parmi ceux qui se présentaient spontanément, se glissaient des « anarchistes, les plus mortels ennemis de la liberté ». Il fallait les écarter avec la certitude d’encourir leur rancune et d’être dénoncé par eux comme fauteur des ci-devant et instigateur d’une nouvelle Vendée. Et à tout cela s’ajoutaient encore les directives envoyées de Paris par le ministre de la police, les conflits provoqués sur place par l’autorité militaire, les observations ou les remontrances du Directoire sur les frais de bureau et les déplacements du malheureux commissaire. L’administration alla jusqu’à lui retirer la disposition de l’hôtel d’Arenberg où on l’avait tout d’abord logé à Bruxelles et à exiger de lui une reddition de comptes assez humiliante. Au milieu de tant de déboires, il continuait pourtant à faire de son mieux, passant jours et nuits en correspondances ou en conférences, mais non sans ressentir cruellement les morsures de la « dent d’acier de la calomnie ».

Vers la fin de l’année, en dépit de tous les obstacles, il était arrivé au bout de sa tâche. La nouvelle organisation est constituée et ce qui subsistait encore de celle de l’Ancien Régime a vécu. Au chef-lieu de chaque département, siège « l’administration départementale » composée de cinq membres flanqués d’un « commissaire du gouvernement ». Les municipalités fonctionnent. Il en existe une dans toutes les communes de plus de 5000 habitants. Les autres sont groupées en « administrations municipales de canton » où chacune d’elles