Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
ADMINISTRATION DE BOUTEVILLE

Il avait fait son apprentissage en qualité d’agent national auprès de l’administration d’arrondissement de Liège. C’était un homme actif, zélé, plein d’idéalisme républicain, également ennemi des « tyrans » et du « fanatisme ». À ses yeux, les « sectaires du culte catholique » ne sont que des « imbéciles » et des « raisons faibles », les tenants de l’Ancien Régime, que des « troupeaux d’esclaves »[1]. Mais s’il parle encore comme Publicola Chaussard, il agit tout autrement. Son mépris pour la « superstition » ne l’empêche pas d’exiger qu’on en respecte les manifestations extérieures[2]. Il ne prétend pas imposer les droits de l’homme, mais les faire aimer. Il voit dans les Belges de « nouveaux frères » qu’il faut traiter avec bienveillance. Il recommande à la sollicitude du Directoire « le ci-devant Liégeois, amant idolâtre, et le ci-devant Belge, ami aussi sage que solide de la liberté ». Il ne se dissimule pas d’ailleurs « qu’une grande partie des habitants, toujours aveuglés par le fanatisme, déteste le gouvernement républicain »[3].

La besogne qui lui incombait était formidable. Il fallait fournir de leur personnel les administrations départementales, les tribunaux, les municipalités. Conformément à la constitution de l’an III, ce personnel était électif. Mais il était trop certain que les électeurs n’eussent choisi que des opposants, et le Directoire avait prudemment confié à Bouteville le soin de désigner, sous son approbation, les hommes chargés d’initier les Belges au fonctionnement des nouvelles institutions.

Que d’obstacles à surmonter pour mener à bien cette tâche au milieu d’une population soupçonneuse et hostile ! À qui se fier pour trouver des hommes sûrs ? Comment faire entrer au service de la République des gens qui, soit par scrupules de conscience, soit par crainte de se compromettre, se refusaient à

  1. Voy. Bulletin de la Commission royale d’Histoire, loc. cit., p. 71.
  2. Il faut se garder, dit-il, de « piquer le ballon rempli de gaz fanatique et en exciter indiscrètement l’explosion ». Ibid.
  3. Voy. son rapport au gouvernement intitulé : Compte de la mission du citoyen Bouteville, commissaire du gouvernement dans les neuf départements réunis (Bruxelles, an V).