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LA RÉUNION

latif recevait et accueillait favorablement des pétitions d’ecclésiastiques[1]. Plusieurs de ses membres plaidaient éloquemment en faveur de l’Église. On observait avec joie les progrès incontestables de l’opposition royaliste, on les grossissait encore dans la presse et le ton des journaux, l’Impartial Européen, l’Esprit des Gazettes, l’Impartial Bruxellois, se faisait de plus en plus agressif.

Le coup d’État du 4 septembre 1797 (18 fructidor an V) par lequel le Directoire déjoua les projets des royalistes, fut un coup de foudre pour la Belgique. Tous les espoirs échafaudés depuis six mois s’écroulaient. Le gouvernement, pour se défendre, renouait partie avec les jacobins. Le retour de l’arbitraire semblait présager celui de la Terreur. Les élections des Deux-Nèthes étaient cassées, quantité de municipalités destituées et reconstituées d’autorité, des journalistes jetés en prison. Les ci-devant nobles étaient rayés des registres civiques et on épurait à tour de bras le personnel des bureaux. L’anticléricalisme recommençait à sévir. On était dénoncé comme suspect pour le simple fait de s’être marié à l’église. À Gand, un des motifs de la destitution de la municipalité est d’avoir empêché de sonner la cloche du travail « les jours connus dans le calendrier romain sous le nom de dimanche ». Enfin Lambrechts, cet ancien joséphiste qui, depuis les débuts de la conquête, s’était montré le partisan convaincu de toutes les nouveautés et de toutes les « impiétés » républicaines, entrait dans le ministère. Et sa nomination était aussi significative qu’effrayante.

L’Église française était royaliste et la réaction de fructidor devait nécessairement s’abattre sur elle. Celle de Belgique ne l’était pas, mais son hostilité à la République s’affirmait trop hautement pour que le même sort pût lui être épargné. Jusqu’alors, le Directoire l’avait traitée avec certains ménagements. S’il avait supprimé les couvents et confisqué leurs biens, il s’efforçait visiblement de ne pas inquiéter le clergé

  1. P. de la Gorce, Histoire religieuse de la Révolution française, t. IV, 7e édit., p. 172 et suiv. (Paris, 1921).