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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/127

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VEXATIONS ANTI-RELIGIEUSES

deur et la fadeur de son rationalisme humanitaire la fit bientôt sombrer dans le ridicule et dans l’ennui.

La stricte observance du calendrier républicain était encore « le moyen le plus propre à faire oublier jusqu’aux dernières traces du régime royal et sacerdotal ». C’est à cette époque qu’elle fut imposée à la Belgique sans autre résultat d’ailleurs que d’y multiplier les vexations inutiles. Il fallut chômer le décadi et les jours consacrés aux fêtes républicaines, changer les dates des marchés, modifier quantité d’habitudes prises, supporter une contrainte d’autant plus exaspérante qu’elle atteignait l’activité journalière de chacun. On alla jusqu’à interdire l’impression des antiques almanachs qui, comme celui de Mathieu Lansberg dans le pays de Liège, fournissaient aux paysans leur seule lecture.

Partout on s’ingéniait à faire disparaître les innombrables empreintes dont le catholicisme séculaire avait marqué la vie nationale. Les façades des églises étaient dépouillées de leurs statues. On démolissait les petites chapelles et les oratoires éparpillés par la campagne. On enlevait des carrefours des villes les vieux crucifix ou les madones devant lesquelles durant si longtemps avait brûlé une petite lampe entretenue par les habitants du voisinage. Le mot « saint » était banni du langage. Les noms traditionnels des rues, trop souvent entachés d’allusions cléricales ou aristocratiques, étaient remplacés par des appellations nouvelles. Enfin, le culte décadaire organisé par la loi du 30 août 1798 imposait aux enfants des écoles le prône laïc du « chorège » municipal.

Il faut ajouter à tout cela le scandale que causait aux dévots la mise en adjudication des biens d’Église dont la vente avait commencé en décembre 1796. L’abstention en masse des catholiques favorisait les achats des spéculateurs et des républicains, de sorte que la religion fournissait précisément à ceux qui ne s’embarrassaient pas de ses scrupules, le moyen de s’enrichir à ses dépens. La réprobation qui les frappait ne faisait que les attacher davantage au gouvernement. Le nombre de ses partisans augmentait proportionnellement au progrès des ventes. Chaque acquéreur nouveau devenait un adhérent du