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LA GUERRE DES PAYSANS

24 septembre (3 vendémiaire an VII) devait fournir un contingent de 200,000 hommes. En Vendée, où les appels de 1793 avaient déchaîné l’insurrection, on différa par prudence la levée des conscrits. Mais le gouvernement se croyait si sûr de la Belgique, qu’il ne songea pas à lui appliquer un tempérament analogue.

Jamais la conscription n’avait été connue dans le pays. Sous le régime espagnol comme sous le régime autrichien, l’armée ne s’y était recrutée que par engagements volontaires. Le tirage au sort, que Louis XIV avait voulu introduire pendant l’éphémère occupation française de 1701, avait soulevé des fureurs. S’il n’avait pas provoqué de troubles graves, c’est sans doute que le clergé, au lieu d’attiser la rage du peuple, s’était appliqué à la calmer au profit d’un roi ennemi des jansénistes[1]. Mais pouvait-on espérer le voir agir de même en faveur de la République qui le persécutait ? Eh quoi ! Il allait falloir porter les armes non seulement pour soutenir un régime impie, mais pour le défendre contre l’ennemi extérieur qui promettait de le détruire ! On allait être forcés de combattre au profit des contempteurs de l’Église et du pape ! Dans les campagnes flamandes, où la foi était si vive et où le clergé seul avait prise sur les paysans dont il parlait la langue, l’exaspération monta tout de suite à son paroxysme. Quelle impression devaient faire sur un peuple ainsi disposé les proclamations des administrations départementales ! Il était trop facile de retourner contre la République leurs belles phrases sur le devoir de chacun de se dévouer « à la société qui le protège », et sur le soldat qui n’est plus « l’instrument de la tyrannie de quelques despotes ».

Dès le commencement du mois d’octobre, la Campine et le nord de la Flandre sont en fermentation. Dans plusieurs communes les agents municipaux ne veulent pas ou n’osent pas faire proclamer la loi. « Elle est regardée comme une calamité ». Les affiches tricolores qui en contiennent le texte sont arrachées ou couvertes d’immondices. Nulle préparation

  1. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 99.