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LA RÉUNION

d’ailleurs dans cette révolte. Elle fut toute spontanée et son explosion surprit autant ses fauteurs que ses adversaires. C’est un simple sursaut de fureur, une impulsion irrésistible bientôt propagée de proche en proche par la contagion de l’exemple et la communauté des sentiments. Que veulent les insurgés ? Au fond ils n’en savent rien si ce n’est qu’ils haïssent la République, et cette haine les dresse contre elle. Sur quels alliés peuvent-ils compter ? Sur aucun, puisque la paix règne en ce moment[1]. S’ils avaient agi en vertu d’un plan concerté, ils eussent attendu la nouvelle guerre qui s’annonçait inévitable. Manifestement ils n’obéissent pas à un mot d’ordre, ils ne sont les instruments de personne. Leur piété contrariée et leur liberté violentée sont les seuls mobiles de la terrible aventure dans laquelle ils se lancent avec une naïve audace[2].

Il leur fallait un signe de ralliement et un drapeau. Faute de mieux ils prirent les couleurs autrichiennes et crièrent Vive l’Empereur. Mais leurs bandes s’appellent l’armée catholique ou l’armée chrétienne, et les proclamations qu’ils sèment dans les villages s’adressent à la « roomsch katholijke jonkheid ». En marchant ils chantent des cantiques, et des images pieuses ornent leurs chapeaux. Ils sont armés à la diable de fusils de chasse, de fourches, de faulx, de bâtons. Pour chefs, ils ont d’anciens soldats autrichiens ou plus souvent des fils de notables de campagne, notaires ou juges de paix, flanqués de prêtres ou de moines.

  1. Tout au plus leur vint-il un peu d’argent et quelques munitions par la Hollande où les Orangistes sympathisaient avec eux.
  2. Pour la guerre des paysans, l’ouvrage fondamental reste celui d’A. Orts, La guerre des paysans, 1798-1799 (Bruxelles, 1863). On le complétera par les renseignements empruntés par Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 219 et suiv., aux archives françaises. Voir aussi A. Thijs, De Belgische conscrits in 1798 en 1799 (Louvain, 1890) avec une riche documentation de provenance belge. Le centenaire de la révolte a provoqué la publication de plusieurs ouvrages destinés à la glorifier et pour lesquels il suffira de renvoyer ici aux Archives belges de 1898, p. 11 et suiv. Voy. encore F. van Caneghem, Onze boeren verheerlijkt (Ypres, 1904) et P. F. Gebruers, Eenige aanteekeningen over den besloten tijd en den boerenkrijg in de Kempen (Gheel, 1899-1900, 2 vol.). On consultera pour le Klüppel-Krieg : J. Engling, Geschichte des sogenannten Klüppel-Kriegs (3e édit. Luxembourg, 1858) et Zorn, Der Luxembürger Klüppel-Krieg (Luxembourg, 1898).