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LA GUERRE DES PAYSANS

L’insurrection débuta le 12 octobre 1798 à Overmeire près de Termonde. Ce ne fut qu’une simple échauffourée que la gendarmerie réprima sans peine. Mais l’élan était donné. Partout sonne le tocsin ; les « jongens » s’assemblent et leurs troupes vigoureuses se mettent à parcourir les villages. Dès qu’elles arrivent dans une commune, elles abattent l’arbre de la liberté, rouvrent l’Église et brûlent les registres de l’état-civil parce qu’ils renferment les noms des conscrits. Parfois on pille la caisse municipale, et s’il arrive qu’un fonctionnaire fasse de l’opposition, on le force à crier Vive l’Empereur. Les brutalités furent nombreuses ; il y eut çà et là des meurtres abominables, mais dans l’ensemble, rien de comparable aux atrocités de la chouannerie.

Du pays de Waes, l’insurrection s’étendit rapidement à toute la région flamande. Elle provoqua même dans le Luxembourg, tout au moins dans le Luxembourg de langue allemande, un soulèvement parallèle. Mais elle n’entraîna que les masses rurales et c’est à juste titre qu’elle a conservé le nom de « guerre des paysans » (Boerenkrijg). Sa violence surprit et effaroucha la bourgeoisie. Par crainte du pillage, les villes fermèrent leurs portes à « l’armée catholique ». À Lierre, où des bandes s’introduisirent un moment, la population épouvantée monta la garde jusqu’à leur départ. Au surplus, il suffisait du moindre bon sens pour comprendre que les insurgés ne pouvaient réussir. La soudaineté de leur soulèvement avait pris les autorités au dépourvu. Mais leur triomphe sur de pauvres gens convaincus que les images bénites fixées à leurs vêtements les protégeraient contre le canon[1], n’était que trop certain.

Tout de suite les commandants de place avaient proclamé l’état de siège. Dans le département de l’Escaut, l’administration menaçait de faire brûler les maisons d’où on tirerait sur les troupes et organisait une « traque générale ». Le 25 octobre, le Directoire requérait les administrateurs du Nord, des Ardennes, de l’Aisne, de la Somme et du Pas-de-Calais de

  1. Bergman, Geschiedenis der stad Lier, p. 465.