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LE NOUVEAU RÉGIME

directe, c’est-à-dire, dans toute la force du terme, un agent d’exécution. Vis-à-vis du préfet, il n’y a plus que des administrés. Il les gouverne et ils obéissent ; on dira sous l’Empire qu’il est un « empereur au petit pied ». Et pour empêcher que la population n’exerce sur lui la moindre influence, on a soin le plus souvent de le choisir, comme jadis les podestats et les baillis du moyen âge ou les intendants de l’Ancien Régime, dans un milieu aussi étranger qu’il se peut à celui dont il a la charge. En Belgique, sauf une exception passagère, tous les préfets viendront de France et parfois même d’Italie.

Ainsi toute l’administration de l’État, rattachée à Paris comme elle l’était à Rome à la fin de l’Empire Romain, est animée d’un même mouvement qu’elle communique à la société. Elle est à la fois régulière et uniforme. Elle a pour mission d’anéantir dans les 102 départements de l’immense Empire ce qui subsiste encore de diversités régionales, pour les façonner sur le même modèle comme les écus frappés par la monnaie. Sa tâche essentielle est d’obéir et de faire obéir. Elle ne peut prendre aucune initiative sans autorisation. Jusqu’ici, tous les fonctionnaires de la République avaient été en même temps des agents de propagande révolutionnaire ; ils ne seront plus à l’avenir que les apologistes du gouvernement. « Soyez toujours le premier magistrat du département, jamais l’homme de la Révolution », leur a dit, dès leur institution, le ministre de l’Intérieur, Lucien Bonaparte. Et tous, quelle que soit leur origine, anciens régicides, jacobins, feuillants ou ci-devant, obéissent ponctuellement au mot d’ordre. Rien de plus bigarré que leur personnel, rien de plus frappant que sa discipline. On dirait que le rétablissement de l’ordre leur a fait oublier le rôle qu’ils ont joué dans la crise dont on sort. Pour eux comme pour Bonaparte, la Révolution est finie. Il ne s’agit plus que d’en accommoder les principes à la politique de restauration sociale dont s’inspire désormais le pouvoir. La grande affaire est de donner confiance aux classes possédantes. « Et vous, s’écrie Faipoult en prenant possession de la préfecture du département de l’Escaut, et vous citoyens aisés, propriétaires,