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PACIFICATION RELIGIEUSE

moines, des prêtres de campagne, qui se chargent de distribuer sous main ses pamphlets. C’est certainement à tort que Monge, revenant d’un voyage d’inspection en Belgique, l’a soupçonné d’être à la solde de l’Angleterre. Nulle trace de politique dans sa propagande. Il n’est que le champion de l’Église, telle qu’il la conçoit et, plus papiste que le pape, il s’embarrasse fort peu des concessions que le malheur des temps a pu arracher à Pie VII. Il lui suffit de n’être pas condamné par Rome pour continuer ses protestations. Elles eurent assez de succès pour provoquer dans la région de Hal la constitution d’une petite secte de catholiques anti-concordataires, les Stévenistes, dont les derniers débris n’ont pas encore disparu[1].

Néanmoins, l’immense majorité du clergé et des fidèles reçurent le Concordat comme un bienfait. L’accommodation du passé au présent s’accomplissait grâce à lui dans l’ordre religieux comme dans l’ordre civil. En l’acceptant, l’Église rompait avec l’Ancien Régime et acceptait la Révolution. S’il supprimait ses privilèges, s’il la dissociait de l’État tout en la soumettant au contrôle du gouvernement, il assurait en revanche son existence, se chargeait de l’entretien de son clergé et entourait le culte restauré d’un prestige salutaire à la paix sociale et aux intérêts conservateurs que Bonaparte voulait rallier à sa politique. Il importait peu que, dans l’idée du premier consul, l’Église fût surtout destinée à être un instrument de règne : les conséquences n’en devaient apparaître que plus tard. Sur le moment, les catholiques ne virent en lui que le protecteur de la religion et lui prêtèrent les sentiments qui les animaient. Ils s’abandonnaient à la joie de voir les églises se rouvrir, les croix et les coqs reparaître sur les clochers, les statues des saints aux façades des temples, les prêtres

  1. Voir sur Stevens et le Stévenisme : F.-J. Lamy, Notice sur la vie et les écrits de l’abbé Corneille Stevens. Revue Catholique, 1857, p. 267, 345, 391, 459 ; E. Cauwenbergs, Le Stévenisme dans les environs de Hal. Annales du Cercle archéologique d’Enghien, t. VI [1898-1907] ; A. Kenis, Eene godsdienstsecte in Belgie, 1903 ; F. Courtois, Autour du Stévenisme. Annales de la Soc. arch. de Namur, t. XXXII [1914].