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ACCEPTATION DE L’ÉTAT DES CHOSES

de Loir-et-Cher, de A.-P. de Celles, préfet de la Loire-Inférieure puis du Zuyderzée, de G.-I. de Stassart, préfet de Vaucluse, de de Coninck-Outerive, préfet de l’Ain, de Jemappes, puis des Bouches-de-l’Escaut et des Bouches-de-l’Elbe, du prince de Gavre, préfet de Seine-et-Oise, ne font que confirmer une règle aussi générale dans les emplois civils que dans les emplois militaires ou les dignités religieuses.

En droit, les Belges sont devenus des Français. Le gouvernement ne laisse passer aucune occasion de le rappeler et eux-mêmes acceptent la situation qui leur est faite. Mais cette acceptation est loin d’être volontaire. À vrai dire, elle n’est qu’une forme de la résignation. Personne, durant les années triomphales du Consulat et des premiers temps de l’Empire, ne conserve l’espoir d’un retour à l’autonomie. Elle n’est plus qu’un souvenir lointain, qu’un rêve trop souvent déçu pour que l’on puisse croire qu’il devienne jamais une réalité. Si on ne se sent pas Français, on ne se sent pas Belge non plus. On se contente de vivre, profitant du mieux dont on jouit sans le considérer comme le bien. Au lieu d’un véritable sentiment national, il n’y a que de vagues aspirations vers un avenir meilleur, mais qu’il est impossible de préciser.

D’où pourrait-on attendre l’affranchissement ? De l’Autriche ? Mais n’a-t-elle pas deux fois déjà, à Campo-Formio, puis à Lunéville, renoncé formellement à la Belgique ? Et depuis lors les éclatantes défaites d’Ulm et d’Austerlitz, puis l’humiliant traité de Presbourg (décembre 1805) ne l’ont-ils pas mise définitivement hors de cause ? Ce François II, que l’on avait vu un instant à Bruxelles en 1794, ne s’était-il pas révélé aussi nul comme souverain qu’il était apparu peu sympathique comme homme ? Vainqueur, il eût certainement ranimé parmi les Belges la fidélité dynastique que le règne de Joseph II avait fait s’évanouir. Car enfin, qu’avait été le despotisme de Joseph en comparaison de celui du Directoire ? Si la maison de Habsbourg avait conservé quelque prestige, on se fût certainement rappelé qu’elle avait jadis donné au pays Marie-Thérèse et le bon Charles de Lorraine. Mais elle avait fait vraiment trop mauvaise figure sur les champs de bataille pour que l’on pût compter encore