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DÉBUTS DU RENOUVEAU ÉCONOMIQUE

maintenant d’un marché pratiquement illimité[1]. Toute la France s’ouvre à leur esprit d’entreprise. Englobée dans le cordon de ses douanes et protégée par lui contre la concurrence étrangère, l’industrie belge va pouvoir dilater sa production et utiliser, dans des conditions qu’elle n’a plus connues depuis le XVIe siècle, l’énergie et l’habileté technique de ses travailleurs. L’ère napoléonienne sera pour elle une ère de renaissance. Et il n’est point jusqu’aux guerres de l’empereur dont elle n’ait profité, puisque ses fabriques ont eu à pourvoir à l’entretien des armées.

Déjà d’ailleurs, on constate, sous le Directoire, les premiers symptômes d’un renouveau. Le gouvernement prend quelques mesures pour panser les blessures que la conquête a faites aux départements réunis. Il conseille à Bouteville de porter vers le commerce et l’industrie une sollicitude requise par trop d’affaires urgentes pour qu’elle ait pu se traduire en actes. En 1797, le ministre de l’Intérieur, Bénézech, est envoyé en Belgique avec mission de rechercher les moyens d’y développer le trafic et les manufactures. La même année, une « foire générale » est instituée à Bruxelles, qui doit devenir pour le Nord de la France, ce que celle de Beaucaire est pour le Midi. Les instructions des autorités départementales leur recommandent de favoriser l’activité économique. Mais cette bonne volonté ou pour mieux dire ces velléités sont trop fortement contrecarrées par le découragement et le mécontentement de la population pour qu’elles puissent aboutir. Comment songer à la reprise des affaires pendant que la République transforme toutes les institutions, heurte à la fois les idées et les croyances, bouleverse le régime douanier en même temps que le système des impôts, les conditions du travail et celles du transit ? Si des esprits clairvoyants distinguent déjà, au milieu du chaos, la voie à suivre et s’y engagent hardiment, la masse demeure apathique et défiante. Au surplus, on est apeuré par la fuite des capitaux. L’insécurité est générale et, en 1798,

  1. Pour l’influence de cette extension du marché sur le développement de l’industrie, voy. J. Lewinsky, L’évolution industrielle de la Belgique (Bruxelles, 1911).