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LA SITUATION ÉCONOMIQUE

profita sûrement aux propriétaires ; pour les fermiers et les locataires, elle eut pour contre-partie une augmentation correspondante des baux fonciers, et le préfet de Sambre-et-Meuse remarquait, en 1802, que cette classe de cultivateurs n’avait pas gagné au change[1].

Il est donc assez probable que la condition générale des classes rurales ne fut pas sensiblement affectée par le nouveau régime. Ainsi qu’on l’a vu plus haut, le nombre des paysans propriétaires n’a pas augmenté, comme il a fait en France, lors de l’acquisition des biens nationaux. Après la signature du Concordat, beaucoup de petits cultivateurs se rendirent, il est vrai, acquéreurs de parcelles de terre. Mais elles étaient de trop faible importance pour les transformer en propriétaires indépendants. Tout au plus, peut-on admettre que ces achats contribuèrent à généraliser dès lors la situation qui est encore aujourd’hui si frappante dans beaucoup de régions de la Belgique, où les fermiers possèdent souvent quelques ares de terrain employés à la culture des légumes ou des pommes de terre. La grande propriété se développa, nous l’avons déjà dit, beaucoup plus largement que la petite, les biens ecclésiastiques étant passés surtout aux mains des bourgeois ou des anciens propriétaires. Mais en revanche, on n’observe aucune modification dans le système des exploitations. Les petites fermes continuèrent à dominer dans les régions du pays où, comme en Flandre, elles étaient déjà dominantes auparavant ; les grandes se maintinrent là où elles avaient existé : dans le Hainaut, dans le Brabant, en Hesbaye. C’est seulement dans les régions les plus stériles de l’Ardenne que la petite propriété paraît s’être multipliée. L’établissement du cadastre y fut pour les paysans l’occasion d’acquérir à vil prix les lots de bruyères qu’ils avaient jusqu’alors cultivés à titre précaire. Là aussi, ils profitèrent de la vente des biens communaux, favorisée par le gouvernement français comme elle l’avait été par le gouvernement autrichien. Partout ailleurs, le résultat de cette vente fut bien différent : elle tourna surtout au profit des

  1. P. Verhaegen, La Belgique sous la domination française, t. II, p. 501.